Paul était assis devant son bureau, son portable ouvert, il était écrivain, du moins c’était ce qu’il croyait ; car il avait beau avoir réuni tous les clichés du professionnel de l’écriture et se creuser la tête, rien ne sortait ; la première page restait désespérément vide. Et pour couronner le tout, chaque fois qu’il mettait un pied en ville, qu’il devait faire ses courses, qu’il se promenait, il avait la hantise de tomber sur Lily. Ce fut donc en toute logique qu’il accepta la proposition de Jacques.
Son vieux copain avait réussi dans les affaires et lui avait proposé dix fois les clés de sa maison de vacance sur la petite île Bretonne de Houat. Comme il ne s’en servait que les trois mois d’été, la maison s’abîmait seule pendant l’hiver. Paul avait toujours répondu par la négative à cette gracieuse invitation, mais aujourd’hui il se disait que ce serait probablement la solution à tous ses problèmes. On était en janvier, il disposait très exactement de cinq mois pour arriver à écrire au moins la moitié de son roman, avant que son ami ne récupère la maison pour la saison estivale suivante.
Dès qu’il posa les pieds sur cette toute petite île si particulière, où l’on ne se déplace qu’à pied ou en vélo, il sut que quelque chose de magique allait se passer. La vision de son lieu de résidence ne fit que renforcer son pressentiment. Un peu à l’écart du village, la maison dominait l’océan ; à ses pieds une petite plage de sable fin, mais ce qui le fascinait, c’était cette terrasse surplombant les rochers. Il s’y voyait déjà, emmitouflé dans une grosse doudoune, un bonnet, des mitaines, assis dans ce vieux fauteuil club qui semblait se reposer au fond du salon et qu’il n’aurait aucun mal à trainer dehors, les pieds sur la rambarde, son ordi sur les genoux et ses doigts qui couraient sur le clavier.
Au bout de quinze jours sa vie était bien au-delà de ses espérances ; tous les matins il empruntait le petit sentier de la côte sauvage qui avait la bonne idée de passer devant chez lui et tout en déambulant le long des falaises abruptes, il laissait vagabonder son esprit au rythme du ressac de l’océan et des cris de mouettes qui dansaient au-dessus de sa tête, créant un espèce de ballet aérien majestueux. A chacun de ses pas son histoire prenait corps, elle s’étoffait. Quand il avait assez de matière il faisait une halte, s’asseyait sur un rocher ou sur un vieux tronc d’arbre et couchait sur son carnet les rebondissements qu’il venait d’imaginer. Vers midi il était de retour chez lui et après un bon repas, Paul s’installait sur sa fameuse terrasse ou devant la cheminée les jours de mauvais temps et il remettait au propre les idées du matin.
Quelques mois plus tard, les pages de son roman avaient jailli de son esprit sans discontinuité, un peu comme si l’océan avait une fuite, son inspiration n’avait pas de limites. Sa vie était paisible, simple et il se rapprochait de son but : Devenir écrivain pour oser affronter le regard de Lily… jusqu’à ce fameux matin du 12 mai.
*
Paul monte sur son vélo direction la plage aux voiliers, comme il aime à l’appeler. Le week-end, quand il fait un temps radieux, des dizaines de bateaux élisent domicile dans cette anse de sable fin bien à l’abri de la houle. Aujourd’hui malgré le beau temps, seuls quatre bateaux se partagent ce petit coin de paradis et par conséquent, Paul ne peut rater ce catamaran à la couleur si originale. Quand la quasi-totalité des bateaux sont blancs, celui-ci est orange, avec une énorme tortue sur le flotteur droit. Pendant qu’il marche le long de la plage, Paul suit de loin le manège de son propriétaire, qui s’affaire sur son fidèle destrier. De là où il est, il ne peut réellement voir ce que fait le capitaine, alors il se met à fabuler sur une histoire folle qu’il va glisser dans son livre.
Une heure s’est écoulée, il s’apprête à regagner son vélo quand il se rappelle qu’il a son petit appareil photo. Muni d’un téléobjectif assez puissant, il pourra, une fois l’image affichée, zoomer et trouver des indices sur ce braconnier des temps modernes en cavale, voulant échapper au cartel de la drogue colombienne en venant se cacher entre deux îles bretonnes. Bien entendu c’est la version totalement hypothétique qu’il a soigneusement échafaudée de son poste d’observation et qui ne repose sur rien de concret, si ce n’est sur le fruit de son imagination.
Malheureusement, son appareil est un simple boitier pour touriste et une fois l’image grossie : elle est illisible. La seule petite preuve qu’il a à se mettre sous la dent, c’est un tee-shirt orange avec, ou du moins c’est ce qu’il pense être, une tortue et une casquette orange. « Maigre butin, Sherlock Holmes de pacotille »,se dit intérieurement Paul. « C’est pas avec ça que tu vas démasquer le nouveau Pablo Escobar ! De toutes façons, cet homme a l’air assez frêle. Il n’a pas l’air anxieux. Je dirais même plutôt relax pour quelqu’un en cavale ! En fait, la réalité a l’air beaucoup moins exaltante que ce que je croyais ».
*
Comme la matinée touchait à sa fin, Paul se dit qu’il était temps de rentrer. Pendant tout le repas il tourna et retourna cette histoire dans sa tête. Il ne savait pas exactement comment, mais il pouvait introduire ce personnage dans son roman. Une fois devant son ordi, ses doigts firent la grève de l’écriture, son esprit était resté à la plage des voiliers. « Bon ! Perdu pour perdu, autant aller jusqu’au bout avant que le catamaran ne reparte. J’ai les grandes jumelles de Jacques, je n’ai qu’à y retourner. De toute façon le livre n’est pas en retard et je peux bien faire une entorse au règlement, puisque je suis juge et partie à la fois ». Sur ces bonnes paroles, Paul enfourcha son vélo et repartit en direction de l’océan.
*
« Ne pas descendre sur la plage, rester sur la falaise avec ces mini-longues-vues, j’aurai un meilleur point de vue », se dit Paul. Comme dans toutes les planques il faut s’installer confortablement, car le manège risque de durer longtemps. Une alcôve dans un rocher usé par les tempêtes lui tient lieu de vigie. Notre apprenti détective sort l’énorme paire de jumelles. Heureusement pour lui beaucoup de promeneurs en ont pour admirer les goélands, les fous de Bassan, les mouettes et tout ce qui vole sur cette petite ile de rêve, et il peut commencer sa surveillance en passant totalement inaperçu. Le bateau à l’air vide. Paul en inspecte minutieusement chaque parcelle, quand quelque chose l’attire. Il a l’impression de voir dépasser deux pieds de derrière la cabine, comme si une personne gisait sur le filet situé entre les deux flotteurs à la proue du catamaran. Mais de là où il est Paul ne peut rien voir, le voilier, guidé par le courant, est exactement dans le mauvais sens. Il lui faudrait être sur la corniche au bout de la plage, peut être que de là il pourrait avoir une vue sur le corps.
Paul, tout excité par sa découverte, range ses outils de détective en toute hâte, enfourche son vélo et se lance sur les chemins sablonneux qui le mèneront au grand rocher qui domine la plage et qui sera, du moins il l’espère, le poste d’observation idéal pour avoir une vue imprenable sur le cadavre. Car à présent, il en est persuadé : c’est bien un cadavre… un trafiquant qui vient de se faire zigouiller.
Plus la petite colline de pierre se rapproche et plus il sent monter en lui l’excitation. Comme il ne peut quasiment plus avancer dans ce sable mou dans lequel il s’enlise littéralement, Paul jette son vélo et part en courant direction le poste d’observatoire. Son cœur bat, c’est la première fois qu’il va découvrir un corps inanimé. Il escalade les blocs de granit et enfin se retrouve au sommet de l’Everest de Houat, soit environ une trentaine de mètres, pas de quoi en faire trois pages dans le Guinness book, mais parfait pour avoir une vue plongeante sur le cataorange. De loin il voit le cadavre inerte, son cœur bat quand il sort ses jumelles, les ajuste, cherche tout d’abord le bateau, remonte le long d’un des flotteurs et soudain : le corps.
Et Paul éclate de rire, car il a sous les yeux une magnifique créature, en train de bronzer en monokini, qui s’est juste mise à l’abri des regards de la plage pour être tranquille. Elle est allongée sur le ventre, ses longs cheveux blonds étalés sur son visage, il ne peut voir à quoi elle ressemble, mais son corps est sublime, elle n’a pas l’air d’une jeunette, elle doit avoir la trentaine. « Après tout, peut-être que rien n’est perdu, c’est sûrement la jeune poupée du vieux chef du cartel ! », se dit-il.
Mais une fois de plus ses doutes se dissipent quand il aperçoit, à côté d’elle, le fameux tee-shirt orange avec la tortue et la casquette. Là, il n’y a plus de doute, ce n’est pas un brigand des temps modernes, ni un mafieux en cavale, c’est juste une navigatrice, « au demeurant rudement bien roulée » pense-t-il, qui a fait escale dans ce petit havre de paix pour la journée. Paul continue encore quelques instants à l’épier du haut de son promontoire, car le spectacle vaut largement le détour : elle a des jambes magnifiques, ce qui se trouve au bout, juste caché par un petit bout d‘étoffe, l’est tout autant et que dire de ce dos nu laissant deviner le galbe d’un sein ! « Mais qu’est-ce que tu fous Paul ? Tu es en train de mater ! Tu ne vaux pas mieux que ces vieux pervers ! Allez, on rentre espèce de vieux dégoûtant »se dit-il tout en rangeant son matériel.
*
Paul était à la fois déçu de ne pas avoir fait de découverte macabre, mais heureux d’avoir quelque chose de nouveau à mettre dans son roman et surtout, ravi d’avoir pu admirer cette ravissante créature. La journée avait été très intéressante et l’avait tiré de son ronron quotidien. Vers les dix-huit heures Paul se dit qu’il mangerait bien une omelette au fromage comme sa mère lui en faisait quand il était enfant. Il ouvrit la boite à œufs : aïe, il n’y en avait qu’un, ça allait être compliqué, donc pour la troisième fois de la journée Paul enfourcha son vélo, direction l’épicerie du village ouverte toute l’année.
*
– Bonjour Gwenn.
– Bonjour Paul. Alors ce livre, il avance ?
– À pas de géant, j’ai écrit les deux tiers de l’histoire. Pour être honnête, j’en rêvais, mais je n’osais y croire.
– Tu vois, ça prouve au moins quelque chose : quand on croit en ses rêves, ils finissent toujours par se réaliser. Bon, de quoi as-tu besoin ?
– Une boite d’œufs et un paquet de gruyère râpé, s’il te plait.
– Tu ne préfères pas du bon fromage breton que tu aimes tant ?
– Non, pas cette fois, il me faut un bon vieux fromage industriel, qui me rappellera bien la cuisine de mon enfance. Et oui, je suis un authentique rat des villes, répond Paul à Gwenn, non sans une pointe d’ironie.
– Monsieur, votre sac est ouvert.
Paul se retourne, entendant une voix venant de derrière son épaule et tandis qu’il lève les yeux, le teeshirt orange à la tortue lui fait face. De ses grands yeux bleus elle le regarde fixement.
– Heu ! Quoi ! C’est ! Vous m’avez parlé ?
– Oui, la poche de votre sac est ouverte et vous allez perdre votre porte-monnaie.
– Oh ! Merci.
Paul est figé devant cette magnifique blonde qu’il a passé la journée à étudier. « Mais quel idiot infoutu d’aligner deux mots . Elle doit me prendre pour un demeuré ». Et là, sans qu’il ne comprenne pourquoi, ces mots sortent de sa bouche :
– Vous avez un catamaran orange.
La belle étrangère, d’abord surprise, lui demande :
– C’est une question ?
– Non, pardonnez-moi, c’est juste que ce matin en me promenant le long de la plage, j’ai remarqué votre voilier assez original. À ce moment il baisse les yeux sur le tee-shirt de la belle capitaine du voilier.
Machinalement, elle en fait de même et comprend ce que Paul veut lui dire :
– Le orange, la tortue, bien entendu !
Paul acquiesce d’un signe de la tête.
– Vous êtes en vacances ?
– Non.
– Oh, pardon je suis peut-être indiscret.
– Non, pas du tout, lui répond l’inconnue, un large sourire accroché aux lèvres. Je m’apprête à effectuer un tour du monde en solitaire en janvier et je suis en train de tester le matériel, pour ne pas avoir de surprises au beau milieu de l’Atlantique. La tortue sur fond orange c’est mon sponsor : un de mes amis pilote de course auto qui s’est retiré au Québec. En fait c’est plus exactement mon mécène que mon sponsor.
– Un tour du monde ! Là vous m’en bouchez un coin. C’est un truc que je n’oserais tenter, ne serait-ce qu’en rêve. J’aurais trop peur de l’inconnu, seul au milieu de l’océan. Et vous, c’est une habitude ou c’est votre premier ?
– En fait c’est un rêve de gosse. L’année dernière, certains évènements m’ont fait comprendre que je passais à côté de ma vie, j’étais avocate internationale, je gagnais beaucoup d’argent, je voyageais aux quatre coins de la planète, mais il me manquait l’essentiel : être heureuse et fière de ce que je faisais. Alors j’ai tout plaqué et avec ce que j’avais mis de côté et le coup de pouce de mon ami du Québec, Tom, j’ai entrepris ce périple. Voilà, vous connaissez toute ma vie, enfin les lignes principales.
– En fait nous avons un point commun.
– Excusez-moi, les coupe Gwenn, vous m’êtes très sympathique madame et j’adore Paul, mais je suis debout depuis cinq heures du matin, il est dix-neuf heures passées et je voudrais aller me reposer. Alors si vous n’y voyez pas d’inconvénient je vous mets gentiment dehors, en vous laissant la petite table et les chaises devant la porte afin que vous puissiez continuer à discuter. Prenez tout votre temps et en partant Paul, tu n’auras qu’à replier le tout et le mettre contre le mur de derrière.
– Oh pardon Gwenn, on y va et merci pour la table.
– Passez une bonne soirée vous deux, leur dit la gérante à travers la vitre, tout en donnant un tour de clé à la porte de la vitrine.
– Bon ! Ça vous dit ? Vous avez cinq minutes ?
– Oh j’ai tout mon temps, personne ne m’attend.
– Alors commençons par le commencement, je m’appelle P
– Paul. Et oui c’était facile : l’épicière. Moi c’est Amandine.
– Donc bonjour Amandine. Voilà, les présentations sont faites. En quelques mots, j’étais banquier, j’ai tout plaqué pour réaliser un rêve de gosse moi aussi : écrire. Et un ami m’a prêté sa maison cet hiver pour pondre mon premier roman, un peu comme votre Tom.
– Vous avez raison nos parcours sont assez similaires.
– Est-ce que je peux me permettre de vous inviter à partager cette somptueuse omelette au fromage que je m’apprête à réaliser avec maestria ?
– Oui vous pouvez vous le permettre, mais je suis obligée de décliner votre offre, demain je me lève à quatre heures. Mais cela aurait été avec plaisir en d’autres circonstances.
– Ok, je n’insiste pas, je ne peux lutter face à l’appel du grand large. Par contre si ça ne vous dérange pas je peux vous raccompagner jusqu’à votre bateau ?
– Avec grand plaisir, comme ça si un pêcheur éméché ou une mamie me court après avec son rouleau à pâtisserie, je serai en sécurité.
En lui disant ça, Amandine a un petit sourire espiègle qui titille Paul au plus profond de son être.
– Et votre vélo ? lance-t-elle subitement.
– Oh, ici ça ne risque rien, je passerai le reprendre à mon retour.
*
Paul et Amandine prirent tout leur temps pour descendre la petite rue du village, marcher sur le petit chemin qui emmène à la fameuse plage des voiliers. Dès qu’ils aperçurent le catamaran orange, ils ralentirent progressivement leurs pas, comme s’ils ne voulaient pas que cette promenade prenne fin, mais quand ils eurent les pieds dans l’eau, ils surent tous les deux que leurs routes se séparaient là.
*
– Bon et bien je pense qu’il est temps pour vous d’aller vous reposer et moi d’aller casser des œufs.
– Je vous remercie Paul, pour cette charmante fin de soirée.
– Tout le plaisir fut pour moi. Vous savez, depuis quatre mois je ne fais qu’écrire et cette rencontre m’a sorti de ma routine avec grand bonheur. Peut-être qu’un jour je verrai dans le journal : Une jeune aventurière, Amandine, vient d’en terminer avec son premier tour du monde ?
– Ou peut-être que ce sera moi qui lirai : Un jeune écrivain : Paul, vient de recevoir le prix Goncourt pour son premier roman.
– Donc nous n’avons aucun doute, nous allons nous revoir.
– Et peut-être plus vite que vous ne pensez, je risque de repasser dans l’été.
– J’ai bien peur que ce ne soit dans bien plus longtemps que ça, je dois rendre les clés de la maison dans dix jours, mon ami reprend possession des lieux pour les trois mois à venir.
– Alors il faut que je repasse avant dix jours. Et sur ce, elle s’approche de Paul et lui dépose un baiser tendre et doux comme une caresse… sur la joue.
*
En regardant l’annexe s’éloigner de la plage, Paul se disait que c’était une bien belle rencontre qu’il venait de faire et surtout, il ne pouvait se mentir à lui-même ; ce que cette Amandine avait de plus extraordinaire, c’était sa ressemblance avec Lily. La blondeur de ses cheveux, ses yeux bleus presque transparents, les courbes de son corps si parfaites. En fait c’était comme un coup de fouet, comme si son ange gardien l’avait envoyé sur sa route pour lui dire : « Paul ne baisse pas les bras, finis ce livre et va la retrouver, parfois il suffit juste de croire en ses rêves ».
*
Pendant la semaine qui suivit il changea ses habitudes. Au lieu d’aller à l’est direction la côte sauvage, il partait tous les matins à l’ouest dans les parages de la plage aux voiliers, en espérant secrètement retomber sur Amandine et son curieux catamaran orange. Au bout de six jours, ses espoirs commençaient à fondre comme le beurre qu’on laisse négligemment en plein soleil. Il n’avait plus que quatre jours devant lui, mais sa patience finit par payer le dernier mercredi avant de partir. Quand il arriva sur la falaise qui surplombait l’anse, il vit ce petit point orange au milieu des points blancs. Son cœur se mit à battre plus fort, il descendit en courant le petit sentier, arriva sur la plage en petites foulées et puis stoppa net.
Mais comment faire pour aller la voir ? Le catamaran était au moins à deux cents mètres du rivage. Il n’allait pas sauter en l’air en faisant de grands signes : trop pathétique ! Alors il prit l’option de marcher le long de cette immense baie, jusqu’à ce qu’Amandine le repère et vienne à sa rencontre, du moins l’espérait-il. Il fit un nombre incalculable d’allers et retours, incapable de se concentrer sur son roman comme il le faisait depuis quatre mois. Son esprit tout entier n’était obnubilé que par l’espérance de voir surgir droit sur la côte cette mini embarcation orange qui servait d’annexe à Amandine pour se rendre à terre.
Une fois de plus son ange gardien avait frappé. En entendant le bruit si caractéristique du petit moteur six chevaux, Paul leva la tête et vit Amandine tout sourire dehors, lui faire de grands signes en se dirigeant droit sur lui.
*
– Je t’avais dit que je repasserais, lui dit-elle en posant le pied à terre.
– Il s’en est fallu de peu, je pars ce week-end.
– Alors ne perdons pas de temps, je n’ai rien à faire jusqu’à samedi. Devant l’air ahuri de Paul, Amandine continue. Je voulais t’inviter à bord, boire un thé, pas te demander en mariage ! Et elle éclate de rire.
–Tu m’as fait peur, car je n’avais pas de smoking sur l’île.
– Allez, maintenant que tout doute est dissipé, monte je t’emmène.
Compte tenu de l’exiguïté de l’embarcation, Paul est obligé de coller ses jambes à celles d’Amandine. Ils sont en short tous les deux et le contact de leur peau les fait frissonner instantanément. Un peu gênés ils regardent au loin et Paul s’empresse de changer de sujet :
– Tu n’as jamais de problème avec ce mini–bateau ?
– Mini-Turtle !
– Je te demande pardon ?
– Turtle, c’est le nom du catamaran et Mini-Turtle, celui de l’annexe. Je sais, ce n’est pas très original, mais au moins c’est simple. Et non, je n’ai jamais de problème avec lui. Qu’il pleuve ou qu’il y ait tempête, il me ramène toujours à bord.
– Heureux de l’apprendre, ça aurait été dommage de sombrer dans la baie de Houat, alors que nous ne sommes même pas encore célèbres.
Une fois à bord Paul est émerveillé par la petitesse des lieux et le grand confort qui y règne. C’est la première fois qu’il met les pieds sur un tel bateau. Le pont est assez spacieux pour accueillir une table et une banquette double moulée dans la coque, la cabine est spacieuse avec de grandes fenêtres et une baie vitrée, de part et d’autre on peut descendre dans chacun des flotteurs du bateau ; là se cachent deux chambres avec salle de bain, le tout en acajou donnant un effet de petit écrin de douceur.
– Comme tu peux le voir l’autre cabine ne me sert à rien pour l’instant. Pendant la traversée elle me servira à stocker du matériel et des victuailles. Voilà, le tour du propriétaire est vite fait. Tu as sous les yeux mon lieu de vie pour les deux ou trois ans à venir. Ensuite qui vivra, verra.
– Je trouve cet endroit magique, je n’avais pas idée que l’on puisse être aussi bien installé à bord. Non, vraiment ça me plait beaucoup.
– Que puis je t’offrir thé, thé ou thé ?
– Oh ! Je prendrai volontiers un peu de thé, si tu en as.
– Parfait, sourit Amandine.
*
« Et tandis qu’elle faisait chauffer l’eau, une idée saugrenue commença à germer dans la tête d’Amandine »
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